Les organisations de la société civile peuvent-elles se passer de stratégie ?


Fiche

Les organisations de la société civile regroupent une grande diversité d'organisations, qui ont en commun la poursuite d'un but non lucratif. Pour autant, le contexte dans lequel elles agissent (raréfaction des ressources, développement du tissu associatif, installation de formes de « concurrence », etc.) ne leur permet plus de faire l'économie d'une démarche stratégique. La stratégie de ces organisations est délimitée par leur objet social et a souvent pour but la pérennisation de leurs ressources humaines et financières. Il est particulièrement intéressant de montrer en quoi les stratégies menées se traduisent par une diversité de logiques d'actions qui rendent plus poreuses les frontières entre les sphères marchande et non marchande. Des organisations font des appels publics à la générosité ou bénéficient de subventions publiques. Dès lors s'impose une exigence de transparence de leurs objectifs et de l'affectation de leurs moyens (par exemple, publication d'un compte d'emploi annuel des ressources collectées auprès du public).
I. Quelles sont les contraintes qui déterminent la stratégie des organisations de la société civile ?
1. L'objet social et les missions de l'organisation de la société civile
La démarche stratégique de l'organisation de la société civile est orientée et encadrée par ses missions. Comme son objet social, elles sont définies par les fondateurs de l'organisation de la société civile dans les statuts. Elles peuvent évoluer et être redéfinies par ses administrateurs et/ou adhérents par la suite.
L'organisation de la société civile poursuit un objectif non lucratif, c'est-à-dire que sa stratégie ne peut avoir comme finalité de réaliser et de partager des profits. Les sommes d'argent collectées sont obligatoirement utilisées pour réaliser l'objet de l'organisation de la société civile qui a souvent pour but la pérennisation de ses ressources humaines et financières. Néanmoins, elle peut également assurer, par délégation, des missions de service public (la gestion d'un centre de loisirs par exemple).
2. Les orientations définies en assemblée générale
Les orientations stratégiques définies pour l'organisation de la société civile dépendent largement de ses statuts et des modalités retenues pour prendre des décisions importantes qui engagent son devenir (décisions stratégiques).
Le cas de l'association en est l'illustration. En effet, les associations régies par la loi de 1901 jouissent d'une importante liberté contractuelle pour définir les règles de fonctionnement et les modalités de décisions. Néanmoins, le plus souvent, elles reposent sur un fonctionnement démocratique, et les grandes orientations stratégiques retenues sont proposées, débattues et votées en assemblée générale des adhérents. Elles sont ensuite mises en œuvre par les organes exécutifs (le président de l'association entouré du bureau).
3. Les ressources de l'organisation de la société civile
Les ressources de l'organisation de la société civile sont déterminantes pour que ses actions aboutissent. Au niveau des ressources humaines, elles ont recours au bénévolat afin de disposer des compétences plus ou moins spécifiques dont elles ont besoin. La fidélisation des bénévoles constitue un enjeu majeur pour les organisations à but non lucratif. Elles doivent les considérer comme de réelles parties prenantes et tenir compte de leurs intérêts pour les conserver (organisation du travail, participation aux décisions, définition des missions de l'organisation de la société civile…). Cependant, de nombreuses organisations de la société civile, et pas seulement les plus grandes, ne peuvent fonctionner sans recourir également au salariat. Cela permet de jouir de compétences spécifiques et de professionnaliser la structure pour être plus efficace.
Exemple : la gestion et la comptabilité d'une grande association comme les Restos du cœur nécessitent l'embauche de professionnels compétents et disponibles contractuellement engagés par l'organisation pour assurer la continuité de la tâche.
La réflexion stratégique de l'organisation de la société civile se concentre également sur la pérennisation de ses ressources financières. Elles proviennent des cotisations de ses membres, des subventions des pouvoirs publics (collectivités locales…), des dons qu'elle perçoit (sommes d'argent, dons en nature, legs…).
Pour assurer son activité, l'organisation de la société civile doit veiller, d'une part, à fidéliser et à conquérir de nouveaux donateurs (campagnes de communication, e-mailings, dîners caritatifs…) et, d'autre part, à rationaliser ses dépenses (économies, partenariats avec d'autres organisations de la société civile ou avec des entreprises pour réduire les coûts…).
De plus, la gestion de l'organisation de la société civile doit être transparente pour entretenir une relation de confiance avec toutes les parties prenantes (donateurs, bénévoles, salariés…).
II. Quelles orientations stratégiques pour les organisations de la société civile ?
1. Le développement de l'organisation de la société civile…
Un des axes stratégiques retenus par les organisations de la société civile est le développement de son activité. En fonction du caractère universel de sa mission (humanitaire, solidarité, droit au logement, liberté de l'information…) et de l'étendue des besoins qu'elle peut satisfaire (extension régionale, nationale…), l'organisation de la société civile est appelée à accroître son champ d'activité. Elle peut alors se développer de façon très centralisée ou alors sous la forme d'une fédération à laquelle des organisations de la société civile autonomes sont affiliées (organisation « mère »).
C'est le cas des Restos du cœur, du Secours populaire français ou de Greenpeace.
Son développement peut être strictement géographique ou bien correspondre à une diversification de ses activités.
L'organisation de la société civile Emmaüs, par exemple, fut créée pour dénoncer les problèmes de mal-logement, mais son activité s'étend également aujourd'hui à l'accueil et à l'insertion professionnelle des plus démunis.
2. …nécessite la mobilisation de ressources
Le développement d'une organisation de la société civile conduit celle-ci à professionnaliser la gestion de ses ressources en recherchant de nouvelles sources de financement et en s'imposant une exigence de transparence, par la publication des comptes annuels, par exemple.
Plusieurs pistes d'action sont envisageables. Elles peuvent out d'abord s'orienter vers les pouvoirs publics pour demander des subventions (au niveau local, national et même au niveau de l'Union européenne). Pour certaines, il peut être souhaitable d'engager des démarches pour être reconnues d'utilité publique. Cette reconnaissance permet effectivement à l'organisation de la société civile de recevoir en plus des dons manuels, des donations, des legs (par héritage), et de jouir d'une légitimité particulière dans son domaine d'action.
C'est le cas des organisations de la société civile SOS Racisme, la Société protectrice des animaux (SPA), de l'Action contre la faim ou de l'Institut Pasteur.
Par ailleurs, les organisations de la société civile peuvent organiser des événements (concerts, kermesses…), participer à des manifestations (brocantes, foires, salons…) et même développer des activités marchandes afin d'augmenter leurs recettes.
C'est le cas notamment des Restos du cœur avec le concert des Enfoirés et la vente des disques ou de l'organisation de la société civile Handicap International avec la distribution de sacs à sapin.
Enfin, l'organisation de la société civile peut chercher à conclure des partenariats avec une entreprise pour bénéficier de son savoir-faire, de certaines compétences, d'une aide financière régulière…
C'est le cas de l'opération Pièces jaunes, menée pour la fondation Hôpitaux de Paris, qui bénéficie du soutien logistique de la SNCF.
III. Comment contrôler les résultats des actions des organisations de la société civile ?
1. La mesure de la performance des organisations de la société civile
Comme les entreprises et les organisations publiques, les organisations de la société civile sont tenues de rendre des comptes à leurs parties prenantes : les adhérents, les bénévoles, les pouvoirs publics et donateurs qui participent à leur financement. Les objectifs stratégiques fixés en assemblée générale sont donc comparés aux réalisations effectives, et un bilan est dressé afin d'évaluer l'efficacité de l'organisation, l'intérêt des axes stratégiques retenus, la pertinence des moyens mobilisés…
2. L'ajustement de la stratégie
Le processus stratégique des organisations de la société civile doit également être ajusté pour tenir compte des évolutions de son environnement ou simplement pour redéfinir des objectifs stratégiques plus réalistes ou plus ambitieux.
Par exemple, la crise économique et sociale apparue en France en 2008 a conduit les associations caritatives à augmenter le volume de leurs prestations (repas, hébergements, boutiques et épiceries solidaires…), et donc à rechercher parallèlement de nouvelles sources de financement.
Comme pour les entreprises, le processus stratégique est dynamique et constamment révisé pour tenir compte de l'évolution de l'environnement. Il peut, lui aussi, être formalisé par un plan stratégique pluriannuel qui permet aux parties prenantes (donateurs, bénévoles, salariés, collectivités locales et entreprises partenaires…) de mieux comprendre la stratégie adoptée et les objectifs poursuivis.
À retenir
Les organisations de la société civile sont amenées à définir des stratégies limitées à la réalisation de leur objet social. Ces stratégies s'expriment essentiellement en termes de développement et de mobilisation de ressources financières et humaines et font l'objet d'un contrôle stratégique. La reconnaissance d'utilité publique est une des pistes pour élargir les possibilités de ressources des associations. Elles peuvent aussi assurer accessoirement des activités marchandes ou conclure des partenariats avec des entreprises pour certaines charges ou activités (logistique, prêt d'infrastructures, communication…).
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