Texte de George Sand, analyse de l'image (sujet 2023)

Énoncé

A – Texte littéraire
Dans son autobiographie, Aurore Dupin (qui écrit sous le nom de George Sand) raconte son enfance. Elle est élevée par sa mère et grandit entourée d'Hippolyte, son demi-frère, et d'Ursule, la fille d'une servante.
« Nous avions trouvé un jeu qui passionnait nos imaginations. Il s'agissait de passer la rivière. La rivière était dessinée sur le carreau(1) avec de la craie et faisait mille détours dans cette grande chambre. En de certains endroits elle était fort profonde, il fallait trouver l'endroit guéable(2) et ne pas se tromper. Hippolyte s'était déjà noyé plusieurs fois, nous l'aidions à se retirer des grands trous où il tombait toujours, car il faisait le rôle du maladroit ou de l'homme ivre, et il nageait à sec sur le carreau en se débattant et en se lamentant. Pour les enfants ces jeux-là sont tout un drame, toute une fiction scénique, parfois tout un roman, tout un poème, tout un voyage, qu'ils miment et rêvent durant des heures entières, et dont l'illusion les gagne et les saisit véritablement. Pour mon compte, il ne me fallait pas cinq minutes pour m'y plonger de si bonne foi, que je perdais la notion de la réalité, et je croyais voir les arbres, les eaux, les rochers, une vaste campagne, et le ciel tantôt clair, tantôt chargé de nuages qui allaient crever et augmenter le danger de passer la rivière. Dans quel vaste espace les enfants croient agir, quand ils vont ainsi de la table au lit et de la cheminée à la porte !
Nous arrivâmes, Ursule et moi, au bord de notre rivière, dans un endroit où l'herbe était fine et le sable doux. Elle le tâta d'abord, et puis elle m'appela en me disant : « Vous pouvez vous y risquer, vous n'en aurez guère plus haut que les genoux. » Les enfants s'appellent vous dans ces sortes de mimodrames(3). Ils ne croiraient pas jouer une scène s'ils se tutoyaient comme à l'ordinaire. Ils représentent toujours certains personnages qui expriment des caractères, et ils suivent très bien la première donnée. Ils ont même des dialogues très vrais et que des acteurs de profession seraient bien embarrassés d'improviser sur la scène avec tant d'à-propos et de fécondité(4).
Sur l'invitation d'Ursule, je lui observai que(5), puisque l'eau était basse, nous pouvions bien passer sans nous mouiller ; il ne s'agissait que de relever un peu nos jupes et d'ôter nos chaussures. « Mais, dit-elle, si nous rencontrons des écrevisses, elles nous mangeront les pieds. — C'est égal, lui dis-je ; il ne faut pas mouiller nos souliers, nous devons les ménager(6), car nous avons encore bien du chemin à faire. »
À peine fus-je déchaussée, que le froid du carreau me fit l'effet de l'eau véritable, et nous voilà, Ursule et moi, pataugeant dans le ruisseau. Pour ajouter à l'illusion générale, Hippolyte imagina de prendre le pot à l'eau et de le verser par terre, imitant ainsi un torrent et une cascade. Cela nous sembla délirant d'invention. Nos rires et nos cris attirèrent enfin l'attention de ma mère. Elle nous regarda, et nous vit tous les trois, pieds et jambes nus, barbotant dans un cloaque(7), car le carreau avait déteint, et notre fleuve était fort peu limpide. Alors elle se fâcha tout de bon, surtout contre moi, qui étais déjà enrhumée ; elle me prit par le bras, m'appliqua une correction manuelle assez accentuée, et, m'ayant rechaussée elle-même, en me grondant beaucoup, elle chassa Hippolyte dans sa chambre, et nous mit en pénitence(8), Ursule et moi, chacune dans un coin. Tel fut le dénouement imprévu et dramatique de notre représentation, et la toile tomba sur des larmes et des cris véritables. »
George Sand [pseudonyme d'Aurore Dupin], Histoire de ma vie, 2e partie, chapitre 15, 1855

B – Image
 - illustration 1
Robert Doisneau, La ronde des pompons, 1955
I. Compréhension et compétences d'interprétation (32 points)
1. À la ligne 1, qui désigne le pronom « nous » ? (2 points)
Observez attentivement le paratexte qui indique qui est la narratrice et en compagnie de qui elle a passé une partie de son enfance et de ses « jeux » « ces jeux-là sont… ». Quels sont leurs prénoms ? Quel est le lien entre l'autrice et la narratrice ?
2. Où se passe la scène ? Comment expliquez-vous la présence d'une rivière dans ce lieu ? Justifiez votre réponse en citant le texte. (5 points)
Observez attentivement les indices spatiaux des trois premières lignes. Quel lieu familier est évoqué ? Attention à la double question : que fait cette « rivière » dans ce lieu ? Est-elle réelle ? Comment et pourquoi est-elle apparue ? Justifiez vos réponses à l'aide du texte.
3. « l'illusion les gagne et les saisit véritablement. » « l'illusion les gagne… »
Cherchez dans le texte trois éléments qui montrent que l'illusion « gagne » et « saisit véritablement » les enfants. (6 points)
« L'illusion les gagne et les saisit véritablement » signifie que l'illusion, c'est-à-dire l'imagination, dépasse la réalité, que les enfants s'inventent et se mettent à croire à un autre univers qui se fait de plus en plus réaliste.
Quels éléments naturels semblent prendre forme autour de la « rivière » ?
Quels sont les sensations et les sentiments éprouvés par les enfants au cours de leur jeu ?
Intéressez-vous aux paroles rapportées : pourquoi et comment le dialogue montre-t-il que les enfants sont gagnés par l'illusion ? Dans la peau de quel genre de personnage se mettent-ils ?
Enfin, l'eau devient réelle dans le quatrième paragraphe : comment ?
Ne vous contentez pas d'un catalogue de relevés : reformulez et expliquez les citations choisies.
4. a) À quoi le jeu des enfants est-il comparé tout au long du texte ? Pour justifier votre réponse, relevez au moins quatre mots d'un champ lexical qui le prouve. (3 points)
Observez les nombreuses évocations d'un genre littéraire bien connu, qui montrent que les enfants se mettent dans la peau de personnages fictifs, dans un lieu fictif. De nombreux mots du texte appartiennent à ce champ lexical : relevez-en quatre.
b) Identifiez au moins trois moments dans le récit, qui montrent que cette comparaison organise le jeu des enfants. (3 points)
Appuyez-vous sur votre réponse précédente. Montrez qu'il y a une progression entre le début et la fin du jeu, comme dans la mise en place d'une pièce de théâtre. Le premier paragraphe constitue le premier moment : que créent les enfants ? Les deuxième et troisième paragraphes forment le deuxième moment : que s'imaginent les enfants ? Le troisième paragraphe achève le récit et constitue le troisième mouvement : quel rôle joue la mère dans ce récit ?
5. Quelles réflexions sur l'enfance le récit de cet épisode inspire-t-il à la narratrice ? Deux éléments sont attendus. Vous justifierez votre réponse en citant des passages précis du texte. (5 points)
Quelle capacité des enfants la narratrice met-elle en avant ?
Quels sentiments la narratrice exprime-t-elle par rapport au souvenir raconté ? Est-elle amusée, moqueuse, attendrie, admirative ? Quel regard porte-t-elle sur ces jeux, sur l'attitude des enfants ? Appuyez-vous sur différents procédés du texte : les énumérations, les hyperboles, les types de phrases, les répétitions, l'alternance des temps du récit (imparfait et passé simple) et des réflexions au présent faites en tant qu'adulte…
Comment la narratrice met-elle en opposition l'imaginaire des enfants et le réalisme des adultes ?
N'oubliez pas de justifier chaque élément de réponse par une citation du texte.
6. Image
Pourquoi cette photographie pourrait-elle illustrer le texte ? Vous développerez votre réponse en vous appuyant sur deux arguments. Chaque argument doit être justifié par une citation du texte. (8 points)
Quels sont les points communs entre le texte et l'image ? Comparez :
– Les personnages, leur âge ;
– L'univers de jeu représenté (intéressez-vous au bateau, aux couvre-chefs…) ;
La dimension ludique et imaginaire de l'activité représentée, le dessin au centre de l'image ;
– L'attitude des enfants les uns envers les autres.
Chaque élément doit être justifié par un élément de l'image et une citation du texte.
II. Grammaire et compétences linguistiques (18 points)
7. « En de certains endroits, elle était fort profonde. » « En de certains… »
a) Quelle est la fonction grammaticale de chaque groupe de mots souligné ? (1 point)
Qu'indique le premier groupe de mots souligné ? Que précise-t-il ? Quels indices donne-t-il sur les circonstances de l'action ?
À quel sujet se rapporte le deuxième groupe de mots souligné ? Par quoi est-il séparé du sujet ?
b) Justifiez votre analyse du premier groupe souligné en précisant les manipulations que vous avez utilisées pour identifier sa fonction grammaticale. (2 points)
Le premier groupe de mots souligné est-il déplaçable ? Supprimable ?
8. « Si nous rencontrons des écrevisses, elles nous mangeront les pieds. »
a) Recopiez cette phrase en mettant la proposition subordonnée entre crochets et en entourant le mot subordonnant. (1 point)
Rappel : une proposition est un groupe de mots organisé autour d'un verbe conjugué. Une proposition subordonnée dépend d'une proposition principale. La proposition qui ne peut exister seule est la proposition subordonnée.
Le mot subordonnant est une conjonction de subordination.
b) Précisez la fonction grammaticale de cette proposition subordonnée. (1 point)
La proposition est déplaçable et supprimable, elle précise les circonstances de l'action. 
Quelle est alors sa fonction ? Le mot subordonnant vous permettra de préciser la fonction. On pourrait reformuler la proposition ainsi : « À condition que nous rencontrions des écrevisses… ».
9. « Tel fut le dénouement imprévu et dramatique de notre représentation ». « Tel fut le… »
a) Observez le mot souligné : identifiez et nommez les trois éléments qui le composent. (1,5 point)
On vous demande de décomposer le mot afin d'identifier son radical, son préfixe et son suffixe.
b) Expliquez le sens de ce mot en vous appuyant sur la signification des éléments qui le composent et en vous aidant du texte. (1,5 point)
Quel mot retrouvez-vous dans le radical ? Quel sens lui ajoute le préfixe ? Partez du sens littéral (premier) du mot. Quel rapport peut-on établir entre ces éléments et la fin du texte ?
10. Réécrivez le passage suivant en remplaçant « Hippolyte » par « ils ».
Le groupe nominal « le rôle du maladroit ou de l'homme ivre » ne doit pas être modifié.
« Hippolyte s'était déjà noyé plusieurs fois, nous l'aidions à se retirer des grands trous où il tombait toujours, car il faisait le rôle du maladroit ou de l'homme ivre, et il nageait à sec sur le carreau en se débattant et en se lamentant. » « Hippolyte s'était déjà… » (10 points)
La réécriture vous demande de procéder à un passage du sujet du singulier au pluriel. Attention à l'accord du verbe pronominal « se noyer », à la transformation de certains pronoms, à l'accord des verbes à l'imparfait avec un sujet au pluriel.
La consigne vous aide en vous indiquant qu'un segment GN de la phrase ne doit pas être modifié.
Ne faites pas de transformation inutile : les participes présents de fin sont invariables.
Dictée
Lors de la dictée, on procédera successivement :
1. à une lecture préalable, lente et bien articulée du texte entier ;
2. à la dictée effective du texte, en précisant la ponctuation et en marquant nettement les liaisons ;
3. à la relecture, sans préciser cette fois-ci la ponctuation mais en marquant toujours les liaisons.
On demandera aux candidats d'écrire une ligne sur deux.
On ne répondra pas aux questions éventuelles des candidats après la relecture du texte ; ils en seront avertis avant cette relecture.
Avant de commencer la dictée, on inscrira au tableau de manière lisible :
D'après George Sand, Histoire de ma vie, 1855.
Je me souviens d'un jour d'automne où, le dîner étant servi, la nuit s'était faite dans la chambre. Ma cousine et moi nous poursuivions l'une l'autre à travers les arbres, c'est-à-dire sous les plis du rideau. L'appartement avait disparu à nos yeux et nous étions véritablement dans un sombre paysage à l'entrée de la nuit. On nous appelait pour dîner et nous n'entendions rien. Ma mère vint me prendre dans ses bras pour me porter à table et je me rappellerai toujours mon étonnement en voyant les objets réels qui m'environnaient. Je sortais d'une hallucination complète et il me coûtait d'en sortir si brusquement.
D'après George Sand, Histoire de ma vie, 1855
La dictée sollicite la conjugaison de plusieurs temps :
– Le présent des verbes du 3e groupe : « souviens ».
– L'imparfait et le plus-que-parfait : « s'était faite », « poursuivions »…
– Le passé simple : « vint ».
– Le futur à la 1re personne du singulier : « je me rappellerai ».
Attention à l'accord du participe passé : avec l'auxiliaire être, celui-ci s'accorde avec le sujet ; avec l'auxiliaire avoir, il s'accorde avec le COD si celui-ci est placé avant le verbe : « l'appartement avait disparu ».
Veillez également à l'accord des nombreux GN pluriels (déterminant + nom + éventuellement adjectif) : « les arbres », « les plis », « les objets réels »…
Attention à la confusion entre les terminaisons en é/er : après une préposition, le verbe est à l'infinitif « pour dîner », « pour me porter ».
L'orthographe de quelques mots peut poser des difficultés : « automne », « rappellerai », « étonnement », « hallucination », « environnaient » (double consonne), « brusquement », « véritablement » (adverbes, terminaison en -ent), « toujours », « travers » (invariables).
Rédaction
Les candidats doivent composer, pour cette partie « Rédaction », sur une copie distincte.
Vous traiterez au choix l'un des sujets suivants :
Sujet d'imagination
Il vous est arrivé d'être pris dans un jeu qui vous a entraîné progressivement dans une aventure imaginaire intense.
Vous raconterez cet épisode à la première personne.
Vous pourrez enrichir votre récit par des descriptions, l'expression des sentiments et des sensations.
Procéder par étapes
Étape 1. Lisez attentivement le sujet :
\bullet repérez le mot-clé vous indiquant la forme de texte à produire : un « épisode » de votre enfance sous la forme d'un « récit ».
Vous pourrez – cela est vivement conseillé – ajouter des « descriptions », exprimer « des sentiments et des sensations ».
\bullet Cet épisode devra raconter plus précisément comment un jeu vous a « entraîné dans une aventure imaginaire » ; comment ce jeu a dépassé la fiction pour vous plonger dans un monde imaginaire.
Étape 2. Notez au brouillon les contraintes de formes que vous devrez respecter :
\bullet narration à la première personne : c'est vous qui racontez votre souvenir.
\bullet temps à utiliser : système du passé pour l'évocation du souvenir ; système du présent pour d'éventuels commentaires du narrateur actuel que vous êtes.
Étape 3. Notez vos idées au brouillon : quel épisode choisissez-vous de raconter ? Quel jeu ? Quel passage à l'imaginaire ? Quel retour à la réalité à la fin ?
Quelles sensations, quels sentiments évoqués ? Quel aspect du jeu est décrit ?
Étape 4. Organisez votre rédaction :
\bullet Introduisez votre souvenir par une ou deux phrases.
\bullet Rédigez l'épisode en paragraphes : glissement progressif du jeu vers l'imaginaire, mise en place, péripéties (inspirez-vous du texte de George Sand !).
Réservez un ou deux passages à l'évocation des sensations et des sentiments.
Prenez le temps de développer, de décrire l'univers raconté.
\bullet Vous pouvez conclure en racontant comment s'est fait le retour à la réalité.
Étape 5. Soignez la langue et l'expression : respectez bien la ponctuation, corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe. Pensez à utiliser le dictionnaire.
Sujet de réflexion
Pourquoi parle-t-on de soi et raconte-t-on sa vie dans des œuvres autobiographiques ?
Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté.
Pour illustrer vos arguments, vous vous appuierez sur des exemples précis tirés d'œuvres littéraires et artistiques.
Procéder par étapes :
Étape 1. Lisez attentivement le sujet. Repérez et soulignez les mots-clés : « parler de soi », « raconter sa vie », « œuvre autobiographique ». On vous demande de trouver les raisons qui poussent quelqu'un à créer une œuvre autobiographique.
Étape 2. Repérez la forme du texte à produire : « Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté ». Il faut donc respecter :
\bullet le genre argumentatif : le développement organisé, la progression des arguments et des exemples (puisés dans « tirés d'œuvres littéraires et artistiques ») ;
\bullet le temps de l'argumentation : le présent et les temps qui s'articulent avec lui ;
\bullet la composition en parties et paragraphes.
Étape 3. Le sujet est fermé : la thèse vous est imposée. Vous devez développer le raisonnement demandé par le sujet.
Étape 4. Interrogez-vous pour trouver des arguments et des exemples. Quelles œuvres autobiographiques connaissez-vous, étudiées en classe ou issues de votre culture (livres, films, tableaux…) ?
Étape 5. Établissez le plan de votre devoir.
L'introduction introduit le thème et expose le problème.
Pour chacune des parties, il faudra trouver au moins un argument et l'expliciter à l'aide d'un exemple. Il faudra veiller à utiliser :
\bullet le présent ;
\bullet le retour à la ligne pour matérialiser les paragraphes ;
\bullet des connecteurs logiques (tout d'abord, ensuite, enfin, toutefois, pourtant, or, etc.) ;
\bullet un saut de ligne après l'introduction et avant la conclusion.
La conclusion fait un bilan sur le sujet.
Étape 6. Une fois votre plan clairement établi au brouillon, rédigez votre texte, puis relisez-vous et corrigez d'éventuelles erreurs de ponctuation, d'orthographe. Pensez à utiliser le dictionnaire.
(1)sur le carreau : sur le carrelage
(2)guéable : que l'on peut traverser sans perdre pied
(3)mimodrame : pièce de théâtre sans paroles
(4)fécondité : inventivité ; créativité
(5)je lui observai que : je lui fis remarquer que
(6)nous devons les ménager : nous devons en prendre soin
(7)un cloaque : un égout
(8)elle nous mit en pénitence : elle nous punit

Corrigé

1. Le pronom « nous » désigne trois enfants : la narratrice, Aurore (qui est aussi l'autrice sous le pseudonyme George Sand), son demi-frère Hippolyte et Ursule, la fille de la servante.
2. La scène se passe dans une « chambre » « En de certains… ». La rivière est imaginaire, les enfants l'ont dessinée directement au sol : « un jeu qui passionnait nos imaginations » ; « La rivière était dessinée sur le carreau » « La rivière était… ».
3. L'illusion gagne en intensité au fur et à mesure du jeu des enfants dont l'imagination se fait de plus en plus grande :
  • Le cadre imaginaire dépasse celui de la simple rivière : « je croyais voir les arbres, les eaux, les rochers, une vaste campagne… » « je croyais voir… ».
  • La rivière imaginaire procure aux enfants de vrais sentiments et sensations : « l'herbe était fine et le sable doux » ; « elle le tâta » « Elle le tâta… » ; « le froid du carreau me fait l'effet de l'eau véritable » « le froid du… ».
  • La présence d'un dialogue et le vouvoiement adopté par les enfants renforcent l'illusion en montrant que ces derniers se mettent progressivement dans la peau de leurs personnages : « vous pouvez vous y risquer » « « ».
  • Les enfants se figurent qu'ils vivent de véritables péripéties : « nous avons encore bien du chemin à faire. » « nous avons encore… ».
  • Vers la fin du jeu, l'eau devient réelle puisqu'Hippolyte décide « de prendre le pot à eau et de le verser par terre », « pour ajouter à l'illusion générale » « l'illusion générale, Hippolyte… ».
  • L'utilisation des temps du récit – imparfait et passé simple – donne également une dimension narrative au jeu des enfants qui devient une véritable aventure.
4. a) Le jeu des enfants est comparé à une pièce de théâtre : « scène » « scène s'ils se… », « dialogue » « dialogues très vrais… », « illusion » « l'illusion générale, Hippolyte… », « représentation » « Tel fut le… »…
b) Le jeu des enfants, qui s'apparente à une pièce de théâtre, évolue de la mise en place au dénouement :
  • Dans le premier paragraphe, les enfants mettent en place le décor, se répartissent les rôles, entrent dans la peau de leurs personnages : « la rivière était dessinée » « La rivière était… » ; « il faisait le rôle du maladroit » « il faisait le… ».
  • Ensuite, les péripéties s'enchaînent, les enfants imaginent des actions, des dangers dans le second et le troisième paragraphe : « nous arrivâmes » « Nous arrivâmes, Ursule… », « nous pouvions bien passer sans nous mouiller » « nous pouvions bien… ».
  • Cette succession de péripéties est couronnée par l'intervention d'Hippolyte avec le « pot à l'eau » « pot à l'eau… ».
  • Enfin, le « dénouement imprévu et dramatique » de la « pièce » est annoncé par l'arrivée de la mère qui joue également le rôle du spectateur : « elle nous regarda » « Elle nous regarda,… ».
5. La narratrice exprime plusieurs réflexions sur l'enfance à travers ce récit :
  • Elle trouve remarquable la capacité des enfants à imaginer un monde et à le peupler d'aventures, faisant totalement abstraction du cadre réel : « ils miment et rêvent durant des heures entières » « qu'ils miment et… », « dans quel vaste espace les enfants croient agir ! » « Dans quel vaste… ». Les enfants croient tellement fort à leurs histoires qu'ils « ont même des dialogues très vrais et que des acteurs de profession seraient bien embarrassés d'improviser sur la scène » « dialogues très vrais… » puisqu'ils éprouvent de vrais sentiments et de vraies sensations : « je perdais la notion de la réalité » « je croyais voir… ».
  • Elle éprouve également un certain amusement et une certaine nostalgie liés au souvenir de cette aventure, comme le montrent la phrase exclamative « dans quel vaste espace les enfants croient agir ! » « Dans quel vaste… » mais également les va-et-vient entre les temps du récit, liés au jeu d'enfance, et le présent qui a valeur de vérité générale, lié au temps de l'écriture : « Pour les enfants ces jeux-là sont tout un drame… » « ces jeux-là sont… ».
  • Enfin, la narratrice met en opposition l'imagination sans limites des enfants au caractère réaliste des adultes, représentés par la mère, qui brise l'illusion et le délire inventif : en lieu et place du monde inventé par les enfants, celle-ci ne voit rien d'autre qu'un simple « cloaque ».
6. La photographie présente de nombreux points communs avec le texte qu'elle pourrait ainsi illustrer :
  • Les personnages sont des enfants qui jouent de manière enthousiaste : « un jeu » « un jeu qui… », « nos rires et nos cris » « Nos rires et… ».
  • Sur l'image, le bateau tracé sur le sol rappelle la rivière dessinée à la craie : « La rivière était dessinée sur le carreau avec la craie » « La rivière était… ». Dans les deux documents, le jeu est basé sur l'imagination des enfants qui donnent vie à un dessin lié à l'eau.
  • Dans le texte, les enfants prennent pleinement possession de leurs personnages : « ils représentent toujours certains personnages » « scène s'ils se… », ce qui fait écho aux enfants de l'image qui sont déguisés puisqu'ils portent des bonnets de marin à pompon.
  • Enfin, la solidarité manifestée par les enfants du texte : « nous l'aidions à se retirer des grands trous » « nous l'aidions à… » peut être illustrée par le fait que les enfants de l'image se tiennent la main.
7. a) La fonction du groupe de mots « En de certains endroits » est complément circonstanciel de lieu. La fonction de « fort profonde » est attribut du sujet elle.
b) Ce groupe peut être déplacé : « Elle était fort profonde en de certains endroits ». Il peut également être supprimé : « Elle était fort profonde ».
8. a) « [Si nous rencontrons des écrevisses], elles nous mangeront les pieds. »
b) La fonction de la proposition subordonnée est complément circonstanciel de condition.
9. a) Le mot « dénouement » est formé du radical -noue, du préfixe - et du suffixe -ment.
b) Le mot « dénouement » désigne le fait de faire un nœud. Le préfixe -dé indique l'idée contraire, donc défaire un nœud. Le suffixe -ment indique une action ou un résultat.
Dans le texte, le mot « dénouement » indique la fin de la pièce, le moment où l'intrigue se dénoue, donc se résout.
10. « Ils s'étaient déjà noyés plusieurs fois, nous les aidions à se retirer des grands trous où ils tombaient toujours, car ils faisaient le rôle du maladroit ou de l'homme ivre, et ils nageaient à sec sur le carreau en se débattant et en se lamentant. » « Hippolyte s'était déjà… »
Rédaction
Sujet d'imagination
Lorsque j'étais petite – je devais être à l'école primaire –, nous avions pour habitude, avec mon amie et son frère, de construire des décors miniatures et d'y faire jouer de petits personnages.
Un jour en particulier, nous passâmes beaucoup de temps à trier, rassembler, mettre en commun tous les éléments, les maisons, les cabanes, les personnages et les accessoires dont nous disposions l'une et l'autre. Cela nous prit plusieurs heures.
Les éléments avaient été répartis en parts égales ; la construction de notre petit univers, l'assemblage de notre quartier étaient lancés ; nous étions comme des maquettistes qui créent le décor pour un train électrique.
Les aventures de nos personnages purent alors commencer et nous nous plongeâmes immédiatement dans la vie de ces petits êtres.
Au début, les intrigues que nous imaginâmes s'apparentaient aux préoccupations banales de notre univers familier. Nos personnages enfants jouaient, se rendaient à l'école. Nos personnages adultes discutaient et devenaient amis avec leurs voisins, géraient les tâches quotidiennes. Ce sont d'ailleurs ces adultes que les enfants incarnent avec le plus de plaisir, parce que le jeu met à leur portée leur monde pour l'heure inaccessible. Nul drame, nulle tristesse dans les petits dialogues et les situations rassurantes que nous reproduisions. Nous étions heureux de partager ces moments, nous éprouvions le bonheur et la sérénité de nos personnages.
C'est alors que la tranquillité de nos figurines fut bousculée par des événements terribles : ouragan, déluge… La panique nous gagna ; il fallait se réorganiser, se mettre à l'abri et faire preuve de solidarité avec ses voisins. « Creusons un tunnel entre nos maisons ! » « Voulez-vous des vivres pour patienter en attendant le retour au calme ? » Avec délice, nous vivions par procuration le frisson du danger, le courage de nos personnages qui affrontaient noblement et généreusement ces catastrophes, l'apaisement une fois les enfants mis à l'abri. Nous perdîmes toute notion du temps.
« J'ai encore quelques boîtes de conserve ! Tenez, et venez vous mettre en sécurité chez… »
« À table ! » La mère de mon amie interrompit cruellement nos aventures et nous ramena à la réalité tranquille de la chambre. Je rentrai alors chez moi, planifiant déjà les péripéties futures qui nous attendaient, nos personnages et nous.

Sujet de réflexion
Une œuvre autobiographique est une œuvre dans laquelle l'artiste parle de lui ou de sa vie : littérature, cinéma, peinture… tous les domaines artistiques peuvent être propices à cette écriture de soi. On peut s'interroger sur le but d'une telle entreprise : pourquoi parle-t-on de soi et raconte-t-on sa vie dans des œuvres autobiographiques ? Quelle peut être l'utilité de celles-ci, que peuvent-elles apporter à l'artiste lui-même et au public auquel elles se destinent ?
Dans un premier temps, nous aborderons le fait que l'artiste ressente le besoin de rendre ses souvenirs immortels grâce à l'écriture ; ensuite, nous nous intéresserons au sens nouveau que peut prendre le souvenir grâce au regard de l'auteur adulte ; enfin, nous verrons que cette entreprise d'écriture de soi permet également de partager son vécu avec le récepteur de l'œuvre.
Tout d'abord, l'artiste peut vouloir parler de lui, raconter sa vie, parce que ses souvenirs sont précieux et qu'ils représentent une étape de sa vie ou qu'ils lui permettent de surmonter une difficulté. Ainsi, Albert Cohen, dans Le Livre de ma mère, évoque le manque et l'amour pour sa mère disparue. De même, Romain Gary, dans La Promesse de l'aube, parle avec une grande affection d'une mère parfois étouffante, mais toujours aimante et protectrice. Grand corps malade, quant à lui, revient sur l'accident qui le rend tétraplégique à vingt ans dans son autobiographie Patients ou dans sa chanson « Midi 20 ». Enfin, Frida Kahlo, dans une série d'autoportraits tels que La Colonne brisée, évoque de manière obsessionnelle le traumatisme de son accident. Fixer ces souvenirs permet à l'artiste d'immortaliser des moments décisifs de sa vie, de se souvenir d'éléments ou de personnes marquantes.
Ensuite, l'écriture ou l'expression artistique de soi permettent aux artistes de donner un sens nouveau aux événements vécus enfant ou adolescent, à la lumière de leur maturité d'adulte. Ainsi, George Sand, dans Histoire de ma vie, revient avec bonheur sur ses souvenirs de jeux d'enfant, auxquels elle repense, au moment de l'écriture, avec une certaine nostalgie et un certain amusement dont elle n'avait pas conscience au moment où elle les vivait. La bande dessinée est également un genre propice à l'expression autobiographique : Riad Sattouf dans L'Arabe du futur, Marjane Satrapi dans Persepolis – dont la vie a aussi inspiré un film du même titre – évoquent leur passé avec distance et humour : l'adulte qui écrit se moque de l'enfant ou l'adolescent qui vivait ses premières émotions ou affirmations de soi. George Perec, dans sa série de souvenirs Je me souviens, repense aux événements variés qui ont pu marquer son enfance : actualité, publicité, jeux… Tous ces artistes se souviennent ainsi avec nostalgie et attendrissement de ce qui les a marqués étant jeunes.
Enfin, l'écriture de soi revêt également une dimension collective puisqu'elle se destine à être lue ou vue par un public. Elle peut ainsi être liée au devoir de mémoire, comme c'est le cas de Primo Lévi dans Si c'est un homme ou de Simone Veil dans Une jeunesse au temps de la Shoah : les deux autobiographes mettent des mots sur le traumatisme de la Shoah, de la déportation, et ces mots deviennent un témoignage essentiel destiné aux générations futures. L'Autoportrait au passeport juif de Felix Nussbaum, qui représente le peintre juif traqué par les nazis, Le Journal d'Anne Frank qui retranscrit les souvenirs d'une jeune fille juive, témoignent également des horreurs vécues par les Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. On peut également citer Rousseau qui, dans le préambule aux Confessions, se considère comme un modèle d'honnêteté pour le commun des mortels. L'écriture peut donc dépasser le statut individuel pour atteindre un but collectif puisqu'elle permet de partager une expérience avec le lecteur ou spectateur, atteint une portée collective et historique, permet de réfléchir sur des valeurs humaines.
En conclusion, parler de soi, raconter sa vie permet aux artistes de faire revivre des souvenirs marquants, qu'ils soient délicieux ou traumatisants ; le regard de l'adulte apporte aussi un éclairage différent à la naïveté des souvenirs d'enfance ; l'intimité de l'écriture de soi peut enfin revêtir une portée universelle. Il est alors pertinent de s'interroger sur la légitimité de certaines œuvres autobiographiques : leur intérêt réside avant tout dans ce qu'elles peuvent apporter au lecteur en termes de plaisir, de réflexion ou d'introspection.