Durant la IIIe République, les lois scolaires ont joué un rôle important dans la diffusion d'une culture républicaine commune. Les filles sont également concernées et accèdent progressivement à l'instruction, dans une société où leur statut reste subalterne. L'instruction des filles est alors pensée pour avoir un rôle avant tout politique.
En quoi les progrès de l'instruction des filles contribuent-ils à une émancipation progressive de la femme dans la société française ?
Le statut subalterne des femmes dans la société française
• À la fin du xixe siècle, l'inégalité entre les hommes et les femmes est inscrite dans la loi. Le Code civil napoléonien (1804) consacre l'incapacité civile des femmes mariées : considérées comme d'éternelles mineures, elles sont soumises à l'autorité absolue du père et du mari. Privée de ses droits civiques, la femme est avant tout perçue comme une épouse et une mère au foyer.
• Durant le Second Empire, les couvents et les congrégations religieuses prennent majoritairement en charge l'instruction des jeunes filles. Quelques timides avancées ont lieu, comme la loi Duruy de 1867 : un programme national d'enseignement primaire féminin s'organise alors, et toutes les communes de plus de 500 habitants doivent se doter d'une école primaire de filles. En outre, une première vague féministe émerge après les années 1860 : de nombreuses femmes réclament l'amélioration de l'enseignement des filles, comme Julie Daubié, la première Française à obtenir le baccalauréat en 1861.
Un accès progressif à l'instruction, vecteur d'émancipation des femmes
• Sous la IIIe République, dans un contexte d'implantation fragile du nouveau régime, ses partisans pensent l'école comme un outil de diffusion d'une culture commune. C'est pourquoi ils se préoccupent de l'instruction des filles : il s'agit d'en faire des républicaines, qui transmettront à leurs enfants les valeurs de la République. Par ailleurs, les républicains sont anticléricaux et luttent contre l'influence de l'Église. Le député Camille Sée souhaite ainsi soustraire les femmes à un enseignement majoritairement sous la responsabilité de l'Église : « la France n'est pas un couvent, la femme n'est pas dans ce monde pour être religieuse ».
• Ainsi, en 1880, la loi Camille Sée institue un enseignement secondaire laïc pour les filles. Les collèges et lycées publics de jeunes filles se multiplient. Cependant, ils proposent un enseignement spécifique, avec par exemple des cours de couture ; ils ne préparent pas au baccalauréat mais à un diplôme de fin d'études. Le lycée ne concerne qu'une minorité d'élèves, issue de la bourgeoisie. L'école garde pour objectif de former de bonnes épouses et de bonnes mères, reflétant le rôle dévolu aux femmes dans la société traditionnelle.
• Les lois Ferry de 1881-1882 instituent un enseignement gratuit, laïc et obligatoire de 6 à 13 ans pour les filles comme pour les garçons. Ainsi, l'alphabétisation des filles progresse considérablement sous la IIIe République : la plupart des filles savent lire, écrire, compter. Cependant, cette instruction reste basique pour les classes populaires : l'accès aux études secondaires et supérieures est difficile. Ainsi, en 1902, les facultés de médecine et de pharmacie s'ouvrent aux femmes, mais elles sont très peu nombreuses à y entrer, et sont pour la plupart des étrangères issues de la bourgeoisie. Par exemple, en 1903, Marie Curie est la première femme à obtenir le prix Nobel.
• Ces progrès de l'accès à l'instruction, bien que limités, sont un vecteur d'émancipation pour les femmes, qui peuvent dès lors élargir leurs horizons en accédant à l'emploi et en partant à la conquête de professions jusque-là exclusivement réservées aux hommes. Par exemple, en 1910, Élise Desroches est la première femme à obtenir le brevet de pilote d'avion.
• Par ailleurs, la scolarisation primaire croissante des filles favorise la montée des revendications pour une plus grande égalité entre les hommes et les femmes. Ainsi, Hubertine Auclert milite pour le droit de vote des femmes sous la IIIe République. Celui-ci ne sera obtenu que longtemps après, en 1944.
Former les institutrices : un enjeu politique
• Pour organiser un enseignement laïc à destination des filles, il faut former des institutrices. Ainsi, la loi Paul Bert de 1879 crée les écoles normales d'institutrices dans tous les départements : le recrutement de maîtresses laïques est dès lors assuré. Ces dernières reçoivent une formation rigoureuse et exigeante. À l'issue de celle-ci, elles doivent transmettre les valeurs de la République ainsi qu'une morale laïque à leurs élèves.
• Ces institutrices, véritables « hussardes de la Républiques » comme leurs homologues masculins, ont des conditions de vie difficiles : souvent isolées et éloignées de leur famille, elles rompent avec le rôle traditionnel dévolu alors aux femmes et contribuent à faire évoluer les mentalités.