Le vers s'oppose par définition à la prose. On s'en sert lorsque le langage quotidien n'est pas suffisant, notamment dans un contexte religieux, mais aussi pour évoquer tout ce qui ne relève pas de la conversation ordinaire : on trouve ainsi, depuis l'Antiquité jusqu'au xviiie siècle, des traités de physique ou de philosophie écrits en vers. La poésie, étant elle aussi un discours « autre », a souvent recours au vers, dont il faut savoir reconnaître les spécificités.
1. Éléments de versification
La versification française est héritée de la versification latine, mais, en français, le décompte (base de la versification) prend pour unité la syllabe.
Les différents types de vers
Les vers les plus courants sont « pairs », c'est-à-dire qu'ils sont formés d'un nombre pair de syllabes :- six syllabes = hexasyllabe ;
- huit = octosyllabe ;
- dix = décasyllabe ;
- douze = alexandrin.
Compter correctement les syllabes
Pour compter correctement les syllabes, il faut tenir compte de la règle dite des e muets :- on compte le e lorsqu'il est placé devant une consonne ;
- on ne le compte pas lorsqu'il est placé devant une voyelle, ou bien lorsqu'il est en fin de vers.
Dans ce vers, les trois e sont muets : les deux premiers sont suivis d'une voyelle, le troisième est situé en fin de vers.
Diérèse et synérèse
Deux autres phénomènes influent sur le compte des syllabes : la diérèse et la synérèse. Ces deux phénomènes concernent l'association de deux voyelles, dont la première est un i, un u ou un ou.- Dans le langage courant, on a tendance à prononcer ces associations en une seule syllabe : on dira nuit en une syllabe, union en deux syllabes, etc.
- En versification, le poète a le choix : soit il adopte le mode courant, effectuant ainsi une synérèse ; soit il désire une prononciation en deux syllabes, nommée alors diérèse.
Dans cet alexandrin, on n'obtient les douze syllabes que si l'on prononce li/on en deux syllabes, avec une diérèse. Ce procédé permet d'obtenir le bon décompte, mais il permet surtout d'insister sur un mot en l'allongeant (allongement qui est ici amplifié par le fait que le mot lion est placé au milieu du vers).
Les rimes et les jeux de sonorités
En français, les vers s'associent entre eux, selon une récurrence de sons dont la rime est la principale représentante. On peut classer les rimes suivant leur richesse :- une rime est dite riche lorsque trois sons au moins sont en commun entre les deux vers : sombre / ombre (son [] + son []+ son [], le e final étant muet) ;
- une rime est suffisante lorsque deux sons sont en commun : orage / ravage (son [] + son [], le e final étant toujours muet)
- une rime est pauvre si elle ne comporte qu'un son en commun : beau / château (son [])
- rimes plates ou suivies : les rimes se succèdent selon le schéma aabb
- rimes croisées : les rimes alternent, schéma abab
- rimes embrassées : les rimes externes encadrent les rimes internes, schéma abba
Remarque : à l'intérieur du vers, on trouve aussi des jeux de sonorités – que ce soit des rimes intérieures, ou des assonances. Ainsi dans le vers de Racine : « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire. »
Le rythme du vers
Un vers correspond à une certaine diction. La manière dont les mots et syllabes s'enchaînent, dans le cadre du vers, donne son rythme à la poésie.• Les vers longs, c'est-à-dire essentiellement les décasyllabes et les alexandrins, se partagent le plus souvent en deux hémistiches (= moitié de vers), autour d'une césure (= milieu du vers). Par exemple, le vers suivant : « Tout m'afflige et me nuit // et conspire à me nuire » est composé de deux hémistiches, de six syllabes chacun.
La césure est alors une pause, un repos de la voix (qui peut correspondre à une reprise du souffle, mais n'est pas nécessairement à la fin d'un mot). Cette césure centrale donne donc un rythme binaire à l'alexandrin.
Toutefois, certains poètes ne marquent pas la césure, et préfèrent donner un rythme ternaire au vers. Par exemple le vers suivant : « Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir » (Corneille) est également un alexandrin, mais la césure, tombant sur le second « toujours », n'est pas marquée par la voix. La présence des virgules, ainsi que la répétition de l'adverbe, impose de dire l'alexandrin en trois mesures de quatre syllabes chacune, au lieu de deux mesures de six syllabes chacune ; le vers est alors appelé « trimètre » : « Toujours aimer, / toujours (//) souffrir, / toujours mourir ».
La césure est alors une pause, un repos de la voix (qui peut correspondre à une reprise du souffle, mais n'est pas nécessairement à la fin d'un mot). Cette césure centrale donne donc un rythme binaire à l'alexandrin.
Toutefois, certains poètes ne marquent pas la césure, et préfèrent donner un rythme ternaire au vers. Par exemple le vers suivant : « Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir » (Corneille) est également un alexandrin, mais la césure, tombant sur le second « toujours », n'est pas marquée par la voix. La présence des virgules, ainsi que la répétition de l'adverbe, impose de dire l'alexandrin en trois mesures de quatre syllabes chacune, au lieu de deux mesures de six syllabes chacune ; le vers est alors appelé « trimètre » : « Toujours aimer, / toujours (//) souffrir, / toujours mourir ».
• D'autre part, le rythme est également donné par la correspondance, ou la discordance, entre le vers et la syntaxe (la phrase). En effet, un vers ne correspond pas forcément à une phrase. Lorsque la phrase se poursuit, il y a alors des phénomènes d'enjambement et de rejet :
« Il est de forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre »
(Baudelaire)
L'élément souligné est un « rejet ». Sa position le met en valeur.
« Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains »
(Baudelaire)
Dans le même poème (Le Flacon), la partie soulignée est cette fois en position de contre-rejet : elle occupe la fin du vers 2, alors qu'elle est liée par le sens au vers 3.
- on appelle enjambement le fait que la phrase déborde le vers (sans insistance sur un élément) ;
- on a un rejet lorsqu'un élément bref, lié du point de vue du sens à un vers, est rejeté au début du vers suivant.
« Il est de forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre »
(Baudelaire)
L'élément souligné est un « rejet ». Sa position le met en valeur.
- Le contre-rejet est le phénomène inverse : un élément bref apparaît en fin de vers, alors qu'il est lié par le sens au vers suivant.
« Voilà le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé ; les yeux se ferment ; le Vertige
Saisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci de miasmes humains »
(Baudelaire)
Dans le même poème (Le Flacon), la partie soulignée est cette fois en position de contre-rejet : elle occupe la fin du vers 2, alors qu'elle est liée par le sens au vers 3.
2. Formes poétiques
Ces différents décomptes, ces règles permettent d'établir des types de poèmes, appelés poèmes à forme fixe.
La structuration des strophes
Les rimes (plates, croisées ou embrassées) ainsi que les types de vers structurent des strophes :- tercet = strophe de trois vers ;
- quatrain = strophe de 4 vers ;
- quintil = strophe de 5 vers ;
- sizain = strophe de 6 vers ;
- huitain = strophe de 8 vers ;
- dizain = strophe de 10 vers ;
- on trouve plus rarement des septains ou des neuvains.
Quelques poèmes à forme fixe
- Le rondeau se compose de trois strophes : un quintil, un tercet, un quintil ; chaque strophe est formée sur deux rimes seulement.
- La ballade comporte trois strophes d'un même nombre de vers, fondées sur les mêmes rimes, plus un « envoi », strophe plus courte (la plus fréquente est formée de trois huitains d'octosyllabes + un quatrain).
- Le sonnet est la forme qui a connu le plus de succès à partir de la Renaissance. Il se compose de deux quatrains (en rimes embrassées) et deux tercets fondés sur deux autres rimes. Le schéma des rimes du sonnet est ainsi : abba abba ccd ede.
- Le pantoum apparu au xixe siècle est une forme fondée sur l'entrecroisement ; les rimes se croisent, le 2e et le 4e vers de chaque strophe deviennent les 1er et 3e vers de la strophe suivante, le 1er vers du poème est aussi le dernier. Le plus célèbre pantoum français est Harmonie du soir, de Baudelaire.
Conclusion
La versification est ainsi un ensemble de règles permettant de donner un rythme, un cadre au poème. Toutefois, les poètes ont toujours oscillé entre l'observation de ces règles et leur mise à distance : la poésie est un art vivant, qui ne peut se résumer à l'observation de recettes. Les romantiques, en particulier, mais aussi les poètes contemporains, exploitent ainsi de nombreuses directions, abandonnant parfois même la notion de vers – que l'on songe par exemple aux Petits Poèmes en prose de Baudelaire.Exercice n°1
Qui a écrit ce poème ? « Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Cochez la bonne réponse.
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Ces vers sont extraits du poème « Croquis parisien », tiré des Poèmes saturniens.
Exercice n°2
Dans ce poème, combien comptez-vous de types de vers différents ? « Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Cochez la bonne réponse.
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On repère deux types de vers : des pentasyllabes et des décasyllabes.
Exercice n°3
« Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Le vers « Ainsi qu'un basson » est :
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Le vers « Ainsi qu'un basson » est :
Cochez la bonne réponse.
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« Ainsi qu'un basson » comporte cinq syllabes.
Exercice n°4
« Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Dans ces vers, pour respecter la versification, on doit prononcer :
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Dans ces vers, pour respecter la versification, on doit prononcer :
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
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Le e final de bise, dans le vers 1, ainsi que le e final de grêle, dans le vers 4, se prononcent : ils sont en effet suivis d'une consonne ; par contre, le e final d'étrange, dans le vers 4, est muet : il est suivi d'une voyelle.
Exercice n°5
« Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Dans ce poème, que peut-on dire de miaulait ?
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Dans ce poème, que peut-on dire de miaulait ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
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Il faut le prononcer en trois syllabes, avec une diérèse donc.
Exercice n°6
« Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Que peut-on dire des différentes rimes de ce poème ?
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Que peut-on dire des différentes rimes de ce poème ?
Cochez la (ou les) bonne(s) réponse(s).
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La rime « pleurait / discret » est suffisante, avec deux sons en commun : « r » et « è ». La rime « basson / façon » est riche, avec trois sons en commun : « a », « s », et « on ».
Exercice n°7
« Le ciel était gris. La bise pleurait
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Que peut-on dire des rimes de ce poème ?
Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon. »
Que peut-on dire des rimes de ce poème ?
Cochez la bonne réponse.
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Les rimes de ce poème sont croisées : elles suivent le schéma ABAB.
Exercice n°8
Voici le poème « À une passante » de Baudelaire.
« La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! — fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! »
Quelle est sa forme ?
« La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit ! — fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?
Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! »
Quelle est sa forme ?
Cochez la bonne réponse.
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- Le poème intitulé À une passante (Baudelaire) est un sonnet : il est en effet composé de deux quatrains et deux tercets ; les vers sont des alexandrins.
- Les rimes s'écartent quelque peu du schéma traditionnel, puisqu'on trouve ici les schémas : ABBA / CDDC / EFE / FEE.
- La forme du sonnet permet une séparation entre deux parties dans le poème : les quatrains sont consacrés à la description de la passante ; les tercets montrent sa disparition (aussi rapide que son apparition), et ses conséquences sur le poète.
- On peut remarquer que la femme, incarnation de la Beauté, peut aussi être vue comme la Muse, inspiratrice du poète, fulgurante, mais aussi désespérante par son inaccessibilité.